Les rumeurs de Croissant d'Elune

Malgré tout ce temps passé en compagnie des kal'doreïs, Branholt avait du mal avec leur système de société matriarcale et dès qu'il s'agissait de collaborer avec les sentinelles il éprouvait une certaine gêne. Non pas que sa fierté de mâle soit mise à l'épreuve - bien qu'au fond, se fusse un peu le cas - mais il n'osait pas prendre trop d'initiatives par crainte de mal agir aussi se cantonnait il à ce qu'il savait faire de mieux : acheminer les lourdes charges, chasser, cuisiner et distribuer les rations de nourritures et d'eau à qui en avait le plus besoin.

Cinq graines. Branholt les avait planté durant la nuit, avec la shar'adore Kane, regardant les pousses se frayer un chemin hors des monticules de terre grâce à la magie de la sorcière. Il se rendait régulièrement sur place, entre deux activités pour la reconstruction d'Astranaar, leur apportant leur ration quotidienne d'eau et surveillant leur croissance d'un oeil farouche. Il ne possédait pas la longévité des kal'doreïs et ne verrait sans doute jamais leur cime toucher le ciel, mais cela suffisait à occuper son esprit tout autant que la sculpture sur bois.

C'est à l'aube, alors que la plupart des kal'doreïs dormaient, que trois hypogriffes quittèrent Astranaar. Chacun ayant pour cavalier un worgen, ils filaient à vive allure vers le sud. Vers les contrées humaines et les terres marécageuses de Theramore.

Branholt fixait l'horizon. Il tenait d'une main les rennes de l'hypogriffe et de l'autre, une imposante urne. Il avait passé la nuit à regarder le forgeron elfe lui fondre une urne en métal. Humain, nain, troll, orc... Alliance comme Horde, chacun respectait ses morts. L'urne fut frappée du symbole de stromgarde et dès lors que la tête de son ami fut à l'intérieur, Branholt ne la quitta plus.

Il pensait s'être fait une raison lorsqu'on lui avait annoncé la disparition et mort de son ami. Mais au fond de lui, il avait toujours gardé l'infime espoir que tout ceci était faux, qu'il avait réchappé de l'embuscade réprouvé et que tôt ou tard il finirait par refaire surface. Un espoir aveugle, brisé lorsque le seigneur de guerre avait brandit la tête plantée au bout d'une lance.

Le soleil se levait et avec lui les larmes silencieuses de Branholt. Son âme pleurait. Il venait de perdre un frère.

Branholt se tenait à l'écart depuis l'échauffourrée d'hier soir. Il répartissait son temps entre plusieurs activités. Son entraînement physique, l'aide aux différents chantiers de reconstruction d'Astranaar, l'arrosage des cinq pousses d'érables planté la semaine passée et devant lesquelles il restait parfois de longues minutes à réfléchir, puis la chasse. Il parlait peu et se contentait de suivre les ordres en silence, s'isolant parfois sur les rives du lac lorsqu'il avait un peu de temps à tuer.

Dès deux heures du matin, Branholt sera introuvable à Astranaar. Il reviendra à l'aube, en armure et regagnera la tente de Théssahra sans un mot. C'est ainsi que se déroulent ses nuits désormais, comme si il avait balayé brusquement son semblant d'amabilité pour un silence ou quelques grognements. Le dernier échange avec les autres membres de la meute ayant été une courte discussion avec Tym et Jane, la prêtresse nouvellement worgen qui malgré son sourire et sa bienveillance - et à n'en pas douter, sa bonne volonté - n'aura éveillée que la méfiance du guerrier.